L'acte d'écrire est tout d'abord un moyen de conserver et de transmettre un message. Il permet la mémoire dans l'espace et le temps, des pensées, des actes. Il a pour fonction de fixer une parole, de proposer une représentation personnelle. C'est un acte psychomoteur qui met en oeuvre le psychisme et la motricité. Il a un rôle social, comporte des usages et des normes. Enfin, c'est un acte personnel, volontaire et conscient.
Les stades de l'écriture graphique peuvent être déclinés comme suit :
- vers 12 mois, commencent les premiers tracés, les traces laissées par l'enfant
- le stade pré-calligraphique avant 6 à 7 ans est caractérisé par des courbes anguleuses, des traits cabossés, une trajectoire mal assurée, des dimensions variables, une inclinaison mal contrôlée, la juxtaposition de lettres, l'absence de marges.
- le stade calligraphique entre 10 et 12 ans environ. L'enfant est alors plus détendu, il guide son crayon, il connaît les formes des lettres et gère les enchainements.
- dans le stade post-caligraphique, après 10-12 ans, l'enfant acquière de la rapidité, la maîtrise du geste, la vitesse. Sa pensée est plus riche et complexe. Le tracé se personnalise.
Chez les enfants à haut potentiel, ces phases ne sont pas nécessairement suivies dans cet ordre, ni linéaires. En effet, l'information est traitée très rapidement. Les apprentissages de la lecture et de l'écriture ne sont pas nécessairement simultanés. Bien souvent, l'enfant à haut potentiel sait lire à l'arrivée au CP, il a un langage riche et rapide. Mais le mouvement de la main est bien lent... La combinaison des deux fait que cela se bouscule ! La pensée est bien plus vive que la main. On a alors un syndrome de dys-synchronie, encore appelé décalage psychomoteur. Ce phénomène est accentué avec les sauts de classe.
Les conditions pour obtenir une bonne acquisition graphique sont les suivants :
- la conscience du schéma corporel : main, bras, épaule, torse
- la situation dans l'espace : appréhender son corps, le haut le bas, la gauche la droite, l'horizontale la verticale, avancer, reculer, sauter, faire un tour complet…
- la latéralité ; un enfant peut-être ambidextre jusqu'à 7 ans
- l'organisation dans l'espace et le temps : en effet, chaque lettre succède à la précédente ; il y a un avant et un après dans l'espace mais aussi dans le temps
- la coordination du geste : le guidage fin du crayon est impossible avant 5 à 6 ans, ou alors demande des efforts très importants pour surmonter ces difficultés
- la maturation du système nerveux : c'est la capacité motrice à réajuster les mouvements du corps. Ecrire nécessite en même temps une immobilité et une tonicité du corps. Ecrire met également en jeu la motricité fine, qui peut-être développée par des activités digitales fines telles que l'enfilage de perles, de lacets…
- le niveau de langage : l'écrit permet de reproduire la pensée
Plusieurs types de dysgraphies sont distinguées :
- l'écriture maladroite : elle fait apparaître des traits de mauvaise qualité, des espacements ou des proportions irréguliers, des sous-collages
- l'écriture raide : elle fait apparaitre des crispations, des médianes petites, des boucles serrées, des saccades, des télescopages, des lettres retouchées, un trait de mauvaise qualité
- l'écriture molle : elle donne une impression de relâchement, d'irrégularité de mouvement, elle est dodue et petite, les lettres sont très atrophiées, les lignes descendantes, les mots dansent sur la ligne médiane, les dimensions sont irrégulières
- l'écriture impulsive : les lettres sont anguleuses, les finales lancées, les lignes fluctuantes, les lettres retouchées, la page mal organisée, les liaisons inégales
- l'écriture lente et précise : le tracé est lent, les lettres dodues, de jolie formes, très académiques
On trouve le plus souvent des combinaisons de ces grandes caractéristiques.
Il se peut également que des syndromes plus complexes soient à l'oeuvre : les autres "dys" (dys-lexie, dys-praxie, dys-orthographie, dys-synchronie…)
Bien souvent, l'enfant à haut potentiel réagit par une volonté accrue de contrôle. On constate alors un tracé très appuyé, des crampes, des gestes lents dans un souci de perfection, ou encore un mouvement qui s'emballe.
Les difficultés de l'écriture enfantine sont :
- le prise d'espace : le placement dans la page qui s'acquière sur plusieurs années, l'espacement des mots, le maintien sur la ligne médiane, la gestion de la zone médiane (là où se trouvent les voyelles) des hampes (boucles vers le haut) et des jambages (boucles vers le bas). Souvent les dimensions sont inégales dans un même mot.
- le trait : il est caractérisé par son débit, sa continuité, un appui nuancé sur le stylo. Cet apprentissage, très long, est influencé par l'anxiété
- la forme : les lettres ont un modèle calligraphique, académique. La forme permet la lisibilité. Lorsque la forme est académique, cela peut-être lié à une attente de sécurité. La forme est longue à acquérir, et souvent la taille des lettres est importante, de plusieurs interlignes ou millimètres.
- le mouvement la vitesse et le rythme : c'est la façon dont l'écriture progresse vers la droite, ou au contraire stagne. Ce point ne peut être acquis que si le schéma corporel est bien intégré.
Voici quelques éléments illustrant ces propos :
Ce schéma indique les 3 zones de l'écriture :
* la zone médiane (zone des voyelles notamment a, e, i, o, u)
* la zone des hampes (partie haute des lettres, telles que l, k, h…),
* la zone des jambages (partie basse des lettres telles que j, p, q, y)
Il indique également la ligne médiane, sur laquelle l'écriture est sensée s'appuyer.
Cet exemple montre qu'il peut être compliqué de s'appuyer sur la ligne médiane
Ces deux exemples montrent que la forme des lettres est en cours d'acquisition.
Ci-après, deux exemples qui montrent notamment :
- une difficulté à gérer l'espace de la feuille
- la forme et le mouvement en cours d'acquisition
Qu'est-ce qui influence la motricité graphique ?
- la prise du crayon : entre le pouce et l'index, avec un soutien par la 1è phalange du majeur. La prise doit être suffisamment serrée. Elle sollicite les articulations poignet et coude, ainsi que la tonicité de la colonne vertébrale, de la tête et des membres inférieurs
- les postures du corps : le tête est souvent trop près au début. Vers 7 ans la tête se relève, grâce à une meilleure tonicité du dos. L'épaule est souvent relevée. Il y a un appui sur le pied directeur, le bras non scripteur, et le dos.
- la motricité fine : entre 7 à 9 ans, le poignet a souvent une posture crispée, ce qui peut entrainer des douleurs. Cette posture du poignet s'allége vers 9-12 ans, enfin, vers 12-14 ans on constate un relèvement tonique de l'avant bras et du poignet
- le champ graphique : c'est la façon de disposer la feuille par rapport au bord de la table. L'axe de la feuille doit être comme l'axe de la table, puis la feuille est inclinée, selon le bras scripteur et selon balayage visuel de l'oeil directeur qui balaie la feuille
Ceci posé, qu'est-ce que la dysgraphie ?
On parle de dysgraphie lorsque la qualité de l'écriture est déficiente, alors qu'aucun déficit neurologique ou intellectuel n'explique cette déficience.
Pour évaluer cette déficience, on utilise l'échelle d'Ajuriaguerra, et on compare les critères de l'écriture à ceux des enfants du même âge. L'échelle va de de 6 à 12 ans, et comporte de multiples caractéristique graphiques, qui sont caractérisés par leur présence discrète, importante ou absente. Ces caractéristiques sont regroupées ainsi :
- les items de forme, qui sont liés à l'affectivité
- les items de motricité qui sont liés à la gestion de émotions
On dispose également de l'échelle de dysgraphie, qui est plus globale. Elle existe pour les enfants de moins de 12 ans et pour les adultes.
Quels sont les signes d'alerte ?
Quand l'écriture devient compliquée, la relecture difficile, quand on constate des crispations musculaires. Ce qui doit alerter est un cumul de difficultés d'écriture et souffrance psychique, psychomotrice et affective. Comme l'enfant HP a une dimension autocritique importante, le risque de décrochage scolaire est accru !
Chez l'enfant HP, pour sauter une classe, il faut que les items de forme et de motricité évoluent conjointement ; ainsi que la maturité psychologique et affective
Quelle remédiation ?
L'objectif de la remédiation graphomotrice est de retrouver un geste fluide.
En général, la séance de rééducation commence par une détente générale, qui peut-être réalisée par le tracé de pré-formes, de motifs en miroir. On porte attention à la respiration (souvent, l'enfant écrit en apnée !). On fait travailler les 2 hémisphères cérébraux : le cerveau gauche qui contrôle les aspects rationnels et le cerveau droit qui agit sur la créativité.
L'enfant est assis face à une table, les pieds au sol, les deux épaules à la même hauteur. La main non scriptrice tient la feuille.
Il trace des grands formats, pour solliciter les muscles de tout le corps : le signe infini, ces boucles, des arcades, des guirlandes, des cercles fermés, des vagues, puis des associations de formes, des mots comme lune, à écrire sans relever la plume, ou encore des tracés-glissés pour favoriser la liaison entre les lettres. On contrôle que les lettres sont bien réalisées en rotation dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. La vitesse est également ajustée.
Le travail peut être fait en musique.
En outre, l'enfant HP a besoin de comprendre le sens de ce qu'il fait. On peut donc par exemple lui faire tracer des hiéroglyphes en lui racontant la période historique liée. De même, les séances sont toujours étayées par l'écoute, l'attention, le soutient psychologique.
En conclusion, l'acquisition de l'écriture est complexe, progressive. C'est un développement imbriqué avec la maturité, l'acquisition du schéma corporel, la latéralité, la posture, la tenue du crayon.
Suite aux questions de l'assemblée, les points suivants sont indiqués :
- l'âge de 6 ou 7 ans est encore un peu jeune pour faire un bilan graphomoteur (ceci est en contradiction avec les programmes de l'éducation nationale qui attendent que les enfants de fin de grande section (6 ans) sachent recopier une phrase en cursive )
- les stylos Stabilo de forme ergonomique pour gaucher ou droitier aident effectivement les enfants à bien tenir et positionner le stylo
Webographie
Un grand merci à Mme Catherine Ranval Dario, graphothérapeute, diplômée en Sciences Humaines et Sociales et formée à la Graphothérapie Approche Plurielle (GAP) par le Centre de Formation Josiane Delorme à Tours, qui a donné une conférence aux membres de l'ANPEIP, fin janvier 2012, inspirant pour une très large part cet article !
Les illustrations proposées ont été choisies par la rédactrice de cet article, postérieurement à la conférence.
Besoin de conseil ? Contactez Agnès Grisard
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